« Le jour où je suis sorti de prison, quand j’ai vu tous ces gens qui m’observaient, un flot de colère m’a envahi à la pensée qu’ils m’avaient volé vingt-sept années de ma vie. [Alors je me suis dit:] «Nelson, quand tu étais en prison, tu étais libre; maintenant que tu es libre, ne deviens pas leur prisonnier.» (Nelson Mandela)
À différents moments de notre vie, nous avons été confrontés à des crises et à des épreuves de toutes sortes. Certaines personnes ont pu les gérer et en sont sorties plus fortes, comme vaccinées, d’autres tels que les borderline et leurs proches, continuent de les subir et s’efforcent de survivre avec plus ou moins de souffrances, comme nous l’avons précisé dans notre dernier ouvrage[1].
Aujourd’hui, même s’ils sont parfois différents en nature et intensité, certains événements continuent à empoisonner notre quotidien. La pandémie du covid-19 et le confinement qui l’accompagne entretien un sentiment de peur, génère des frustrations et des traumatismes identiques en de nombreux points à ceux qui participent à l’installation et à l’aggravation du trouble de la personnalité borderline.
« La situation de confinement réactive ce que j’ai vécu lors de mon séjour en chambre d’isolement à l’hôpital… Cependant, je trouve que le confinement est une bonne chose car cela permettra à tout le monde de ressentir l’angoisse, le sentiment d’étouffement, la peur de mourir que je vis au quotidien depuis des années» nous dit Judith, une jeune patiente diagnostiquée borderline.
De son côté, Jean qui vient d’entreprendre une psychothérapie via la télé consultation déclare : « Je profite de ce moment pour apprendre à méditer, travailler sur ma respiration à revoir ma façon de m’exprimer, renouer des liens avec mes proches, revoir mes valeurs et faire le tri parmi mes relations amicales et professionnelles. Je réfléchis aussi sur la manière dont je vais gérer ma vie quand le confinement sera levé. »
L’interdit de tout contact physique avec autrui, l’obligation de se plier à des règles qui entravent la notion de liberté individuelle d’aller et venir où bon nous semble quand, et comme on le veut, les informations contradictoires assenées à longueur de journée, instaurent un contexte anxiogène, un sentiment d’enfermement et d’isolement voire d’exclusion difficilement supportable.
Comment y faire face, comment diminuer les effets traumatisants d’un tel climat, peut-on vraiment les éliminer de notre quotidien ?
Développée par le psychiatre autrichien, Viktor Frankl, la logothérapie se propose d’aider à trouver un sens durable à l’existence à travers nos valeurs et nos actions. Il affirme que c’est le sens que nous donnons à notre vie qui motive et qui oriente nos actions. Il nous propose trois manières de donner du sens à la vie
1 Avoir une vision ou un objectif réaliste. Planifier des actions productrices de plaisir, réalisables à court, moyen et à long terme, donne du sens à l’existence, génère de la motivation et produit l’énergie nécessaire pour faire face à l’adversité d’un contexte anxiogène.
2 Créer, renforcer des relations vraies. Quand elles sont authentiques, les relations que nous entretenons avec les autres sont source de sens et de bonheur. Dans le cas contraire, elles peuvent s’avérer toxiques. Il peut être utile de profiter de cette période pour faire le tri parmi nos connaissances. L’idée de retrouver et de passer du temps avec tel ou tel ami ou proche après le confinement entretient le désir et le plaisir de vivre malgré les conditions parfois difficiles à supporter.
3 Au-delà des objectifs, avoir une vision « transcendante ». Les personnes qui possèdent une vision qui transcende leur existence profitent d’une vie remplie de sens. Sans pour autant avoir l’ambition de créer une dynastie, on peut par exemple projeter l’achat d’un bien immobilier qui deviendra la maison de famille où se retrouveront les enfants et les petits enfants dans les années à venir. On peut, plus simplement décider de repenser sa façon de vivre afin d’être le plus possible en harmonie avec la nature et avec ceux que l’on aime.
Des stratégies de logothérapie à utiliser chaque jour
- Choisir son attitude
« Selon Viktor Frankl, « On peut tout enlever à une personne, excepté une chose, la dernière des libertés humaines : celle de décider de sa conduite ». En psychothérapie, comme dans la vie de tous les jours, quelles que soient les difficultés relatives à une situation, chacun reste libre de décider d’en faire une occasion de grandir ou, au contraire, une occasion de souffrir davantage. Nous pouvons choisir le découragement, adopter un statut de victime pour nous faire plaindre et décider de cultiver la souffrance. Mais nous pouvons aussi modifier notre manière de voir notre souffrance, développer un comportement résilient en décidant de la transcender pour en faire une force. En cette période de confinement, certains entrepreneurs peuvent se dire qu’ils vont devoir déposer le bilan et d’autres exploiter les opportunités liées à la situation.
- Pour cela, il est nécessaire de trouver 10 choses positives qui ressortent liées à la situation dans laquelle nous place le confinement.
En nous efforçant d’en extraire les dimensions positives, nous choisissons d’adopter une attitude constructive face à la situation que nous vivons. Cette attitude nous permet de concevoir de nouvelles possibilités (visualisation créatrice), ce qui nous aide ensuite à agir et à transformer ces possibilités en réalités. S’autoriser des moments de brainstorming, s’interdire d’interdire les idées les plus folles est un exercice mental particulièrement recommandé en cette période ou l’activité physique est réduite au minimum. Il ne s’agit pas simplement de pensée positive; il s’agit plutôt d’attacher notre attention à un sens qui est plus acceptable pour nous-même.
- « Vivez comme si c’était la seconde fois »
Le Dr Frankl propose aussi de voir le présent comme s’il était le passé. Cet exercice aide à voir les mêmes erreurs que nous avons commises et à éviter de les répéter. C’est comme si nous avions le pouvoir de changer le passé ! Encore faut il le décider et surtout le désirer. Il est normal certes, d’être impatient de retrouver notre travail, de revoir nos amis et les proches dont nous étions séparés depuis le début du confinement, cependant, prenons quelques instants pour réfléchir aux moyens de le faire autrement.
- La métaphore du calendrier.
Nous pouvons comparer notre vie à un calendrier. Si nous jetons les feuilles de chaque nouvelle journée qui passe, la déprime ne sera jamais bien loin. Par contre, si nous relatons, au jour le jour avec réalisme et précision dans un livre de bord les difficultés rencontrées, nous pourrons relire plus tard les notes que nous avons prises et constater les solutions que nous avons pu apporter. Nous devenons conscients de la richesse de notre passé et nous savons que nous continuons à construire notre vie. La fierté de ce que nous avons pu accomplir en nous libérant de l’emprise des traumatismes du passé est préférable à la rumination des échecs.
- S’oublier pour ne pas être oublié
Cette technique vise à nous aider à détourner notre attention de nous-mêmes, de nos malheurs et de nos préoccupations pour la fixer sur un événement, une autre personne, une cause importante ou sur n’importe quoi d’autre qui nous aide à arrêter de nous concentrer sur notre misère et nous permet d’intégrer une nouvelle dimension porteuse d’espoirs.
- Trouver du sens à travers des passions, des objectifs, etc.
Il faut veiller à ne pas confondre passion et pulsion. Les personnes passionnées sont naturellement avantagées car elles sont curieuses et ont envie de réaliser de nombreux objectifs qui leur permettent de transcender une situation à priori routinière. Les comportements pulsionnels, au contraire, sont souvent source de destruction, de perte et d’abandon.
Posez vous les trois questions suivantes :
Qu’est ce qui est important pour vous ?
Qu’est-ce qui vous passionne par-dessus tout ?
Qu’aimeriez-vous réaliser ?
Si vous ne savez pas quoi répondre, ou, au contraire, si une foule d’idées vous envahit, alors prenez une feuille de papier et notez les. En face de chaque idée, indiquez si vous le souhaitez, (et seulement si vous le souhaitez) la personne avec laquelle vous souhaiteriez la partager. Vous serez surpris par cet exercice vous permettra de faire des trouvailles qui donneront un sens à votre vie !
7.Casser la routine tout en veillant à renforcer la richesse des rituels. Cet exercice consiste à décider de se donner les moyens de prendre conscience ou de vivre l’expérience d’un sentiment, d’une émotion élevée. Le but est de trouver des valeurs signifiantes, qui nous dépassent, qui sont plus stimulantes que la platitude du quotidien. Cela peut passer par porter un réel intérêt à une activité artistique, à une action humanitaire, un engagement pour une cause noble.
[1] Le système borderline, histoires de familles, éditions de l’Harmattan